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Fatwa sur la zakat au Maroc : enjeux, défis et perspectives
À la suite de l’ordre du Roi Mohammed VI, Amir Al Mouminine, le Conseil Supérieur des Oulémas a été chargé d’émettre une fatwa exhaustive clarifiant les règles de la charia concernant la zakat. Cette initiative vise à offrir aux citoyens et citoyennes une meilleure compréhension de leurs obligations religieuses, notamment face aux revenus issus des nouvelles activités économiques, telles que salaires, services ou investissements. Le communiqué officiel précise que cette fatwa a un objectif purement scientifique et informatif, répondant aux questions sur le seuil minimum, les montants et les délais de règlement de la zakat.
Pour mieux comprendre les enjeux pratiques et religieux, nous avons rencontré le Dr Mohamed Talal Lahlou, expert en finance islamique, qui détaille les principaux défis liés à l’application de cette fatwa dans un contexte économique moderne.
Identifier les bénéficiaires et assurer la transparence
Selon Dr Lahlou, l’un des principaux défis réside dans l’identification claire des bénéficiaires. Le Coran définit huit catégories de personnes éligibles à la zakat, principalement des individus en situation de précarité temporaire ou permanente.
La transparence constitue un autre enjeu majeur. La zakat concerne les richesses apparentes, celles qui sont exposées et accessibles aux yeux de tous. Il est donc essentiel de distinguer les richesses apparentes de celles qui ne le sont pas, afin de garantir un calcul et une collecte précis.
Adapter les critères aux revenus contemporains
Dans un contexte où les revenus sont diversifiés et parfois immatériels, appliquer les critères de la zakat de manière juste nécessite une adaptation à la réalité locale. « Les individus devront se rapprocher des savants compétents, qui connaissent leur environnement économique et social », explique Dr Lahlou. La fatwa pourra ainsi être contextualisée selon le temps et le lieu.
Complexité des actifs modernes
Les actifs financiers représentent aujourd’hui le plus grand défi pour le calcul de la zakat. Les investisseurs peuvent avoir du mal à discerner quels éléments du bilan sont soumis à la zakat. Par exemple, les immobilisations corporelles non destinées au commerce, comme les bureaux, ne sont pas concernées, tandis que les stocks et la trésorerie le sont.
La gestion des dettes et des revenus récurrents pose également des difficultés. Selon l’école malikite, certaines dettes ne peuvent être déduites que sous certaines conditions, et chaque « nisab » doit être traité individuellement, ce qui complique le suivi sans outils de comptabilité modernes.
Activités conformes à la charia et zones d’incertitude
Certaines activités, comme le trading, sont considérées comme non créatrices de valeur et problématiques d’un point de vue macroéconomique. En revanche, la participation à des projets via l’equity, l’investissement dans des fonds licites, le commerce de biens et les activités agricoles restent pleinement conformes aux prescriptions de la charia.
Dr Lahlou souligne également que la confusion entre zakat et taxe est fréquente. « Le paiement d’une taxe ne dispense pas du paiement de la zakat, qui doit être affectée selon des critères précis aux personnes éligibles », précise-t-il.
Vers un fonds étatique pour la zakat ?
Le Maroc ne dispose pas encore d’un fonds étatique dédié à la zakat. La création d’une « Caisse de la Zakat » a été proposée pour renforcer la couverture sociale, avec un potentiel estimé à plus de 40 milliards de dirhams, soit environ 2 à 3 % du PIB. Toutefois, un tel fonds devrait se limiter à la collecte et à la distribution de la zakat, conformément aux huit catégories prévues par le Coran, sans financer directement des infrastructures ou compenser des déficits.
En conclusion, cette fatwa s’inscrit dans une démarche d’adaptation de la zakat aux réalités économiques modernes, tout en préservant l’esprit et les prescriptions de la charia. Elle met l’accent sur la formation, la transparence et la consultation des savants pour garantir un calcul juste et une distribution efficace.