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Tunisie : Amnesty dénonce un système migratoire “profondément raciste”

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Tunisie : Amnesty dénonce un système migratoire “profondément raciste”
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Dans un rapport publié jeudi, Amnesty International tire la sonnette d’alarme sur la situation des migrants en Tunisie, décrivant un climat de violence institutionnalisée et de racisme systémique. L’ONG y dénonce des violations généralisées des droits humains, allant du viol à la torture, en passant par des refoulements illégaux.

Fruit d’une enquête menée entre février 2023 et juin 2025, le document s’appuie sur les témoignages de 120 réfugiés et migrants, principalement originaires de Guinée, du Cameroun et du Soudan. Ces récits évoquent arrestations arbitraires, violences physiques, détentions illégales et abandons en plein désert.

Des récits de brutalité extrême

Les témoignages recueillis dressent un portrait saisissant de la répression migratoire. Amnesty rapporte des cas de viols, passages à tabac et humiliations publiques commis par la Garde nationale tunisienne. Une Camerounaise raconte ainsi comment les gardes ont percé leur embarcation lors d’une tentative de traversée vers l’Italie, provoquant la noyade de plusieurs passagers, dont des enfants.

Ces scènes illustrent, selon l’organisation, une stratégie délibérée de dissuasion, visant à décourager toute tentative de départ.

Un tournant sécuritaire depuis 2023

Amnesty situe le durcissement de la politique tunisienne à février 2023, date à laquelle le président Kaïs Saïed avait tenu un discours accusant les migrants subsahariens de « menacer la composition démographique » du pays.
Ces propos ont déclenché une vague de violences racistes et d’arrestations massives, notamment à Sfax, Tunis et Sousse. Malgré les condamnations internationales, la Tunisie n’a pas infléchi sa ligne répressive.

L’Europe accusée de “complicité passive”

Le rapport pointe également la responsabilité de l’Union européenne, accusée de fermer les yeux sur ces abus en échange d’un renforcement du contrôle migratoire.
Amnesty dénonce le protocole d’accord signé en juillet 2023 entre Tunis et Bruxelles, qui ne prévoit aucune garantie en matière de droits humains. Pour l’ONG, il s’agit d’une “externalisation de la répression”, où la Tunisie devient le gendarme des frontières européennes, financé par l’UE.

Une urgence humanitaire dans le sud tunisien

Sur le terrain, la situation demeure dramatique. Des centaines de migrants restent bloqués entre la Tunisie et la Libye, livrés à eux-mêmes dans des zones désertiques où les températures dépassent les 45°C.
Amnesty appelle à suspendre toute coopération sécuritaire avec Tunis tant qu’un mécanisme indépendant de contrôle n’aura pas été mis en place, et plaide pour la création de voies légales d’accès à l’asile.

“La Tunisie, carrefour de peur”

Dans sa conclusion, l’ONG résume un constat glaçant :

« La Tunisie, qui se veut carrefour de civilisation, est devenue un lieu de peur et de refoulement. Et l’Europe, en choisissant la fermeture plutôt que la protection, en devient complice. »



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