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Un composite argile-plâtre développé à Salé démontre un potentiel thermique prometteur
Une étude scientifique marocaine met en lumière les performances thermiques d’un matériau composite associant, à parts égales, argile potière traditionnelle et plâtre de gypse industriel. Conçu par des équipes de recherche locales, ce mélange entend répondre à la demande croissante de matériaux plus fiables, économes en énergie et adaptés aux conditions climatiques du Maroc.
Un matériau issu du croisement entre tradition et industrie
Les chercheurs rappellent que de nombreux pays en développement, dont le Maroc, s’orientent vers des solutions constructives plus durables. Ils ont donc choisi d’analyser un plâtre industriel largement utilisé dans le bâtiment et une argile artisanale de Salé, façonnée selon un savoir-faire ancestral.
Cette argile est en effet préparée à la main selon une succession d’étapes transmises par les potiers : broyage au maillet, immersion dans l’eau durant deux jours, séchage au sol, puis pétrissage manuel et au pied. Le matériau est ensuite travaillé au tour, séché sur des planches et parfois engobé. Le plâtre, de son côté, est reconnu pour sa facilité d’usage mais également pour sa faible résistance mécanique, ce qui justifie l’intérêt de le combiner à une autre matière.
Trois échantillons ont été réalisés : 100 % plâtre, 100 % argile et un composite 50/50. Chaque pièce, façonnée sous forme de cube, a été mesurée et séchée de manière contrôlée. Les relevés montrent des densités respectives de 1 112 kg/m³ pour le plâtre, 1 395,2 kg/m³ pour l’argile et 1 577 kg/m³ pour le mélange. Les chercheurs soulignent que la masse supplémentaire introduite par l’association des deux matériaux explique cette densité supérieure.
La méthode du “plat chaud” pour mesurer la conductivité
Pour déterminer les propriétés thermiques des échantillons, l’équipe a utilisé la technique du plat chaud en régime permanent. Un élément chauffant, relié à une tension électrique connue, est placé entre l’échantillon et une mousse isolante. Trois thermocouples assurent le suivi de la température de chaque couche, avec une marge d’erreur inférieure à 0,6 %, garante de la fiabilité des mesures.
Les résultats indiquent une conductivité thermique comprise entre 0,447 et 0,450 W/m·K pour l’argile, autour de 0,400 W/m·K pour le plâtre, et de 0,426 W/m·K pour le composite. Cette baisse de conductivité dans le mélange témoigne d’un meilleur potentiel isolant et d’une meilleure régulation hygrométrique. Toutefois, les auteurs rappellent qu’il s’agit encore d’un matériau expérimental dont l’usage industriel nécessite des validations supplémentaires.
Une simulation énergétique appliquée à un bâtiment type
La seconde partie de l’étude s’appuie sur le logiciel DESIGNBUILDER (ENERGYPLUS) afin d’évaluer l’impact du composite sur un bâtiment résidentiel de 144 m² composé de sept zones thermiques. Les conditions climatiques de Salé, issues des normes marocaines RTCM, ont été intégrées afin de reproduire des scénarios réalistes.
L’introduction du matériau 50/50 dans l’enveloppe du bâtiment fait légèrement baisser la consommation d’énergie liée à la climatisation, passant de 22,86 à 22,60 kWh/m². La demande de chauffage diminue d’environ 0,5 % en hiver et celle de refroidissement d’environ 0,7 % en été. Ces réductions modestes montrent néanmoins un effet réel, renforcé par une meilleure inertie thermique : l’argile contribue à stabiliser la température intérieure face aux variations extérieures.
Limites et perspectives pour le secteur du bâtiment
Les auteurs reconnaissent plusieurs limites : tests en conditions contrôlées, unicité de l’argile étudiée ou encore performances mécaniques non explorées. Ils intègrent aussi des considérations environnementales, rappelant que l’extraction du gypse est énergivore et émet jusqu’à 0,3 tonne de CO₂ par tonne produite. À l’inverse, les enduits d’argile nécessitent moins d’énergie et offrent un potentiel écologique intéressant.
L’étude fait également référence à des recherches antérieures sur les fibres naturelles (chanvre, palmier-dattier, plumes...), qui ont parfois permis de réduire la conductivité de plus de 20 %. Autant d’éléments qui encouragent à poursuivre les travaux pour optimiser le composite argile-plâtre.
Un matériau local à fort potentiel
En conclusion, le matériau mi-argile mi-plâtre mis au point à Salé apparaît comme une piste sérieuse pour la construction marocaine. Sa conductivité modérée, sa capacité à stabiliser la température intérieure et la disponibilité locale de ses composants en font un candidat prometteur pour des usages maîtrisés.
L’étude, appuyée par des institutions marocaines telles que l’EST de Salé et le CNRST, laisse entrevoir une transition vers des matériaux plus sobres, valorisant des ressources locales longtemps sous-estimées.