-
20:00
-
14:26
-
10:30
-
10:30
-
07:34
-
20:00
-
09:30
-
11:45
-
11:45
Suivez-nous sur Facebook
Violences numériques : le Maroc face à un défi de société
Au Maroc, les violences basées sur le genre se réinventent à l’ère du numérique. Cyberharcèlement, chantage à la diffusion d’images intimes, deepfakes ou doxing… ces pratiques insidieuses plongent des milliers de femmes dans la peur et le silence. Face à cette réalité, les associations Kif Mama Kif Baba, Médias et Cultures (AMC) et l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) lancent un plaidoyer national pour renforcer les lois, sensibiliser la société et rompre le cycle de l’impunité.
L’essor du numérique, amplifié par la pandémie de COVID-19 et la généralisation des réseaux sociaux, a créé de nouvelles opportunités d’expression et de participation citoyenne. Mais il a aussi ouvert un terrain propice aux violences sexuelles et sexistes. Selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), 1,5 million de femmes ont été victimes de violences numériques en 2019, représentant 14 % de la population féminine. Un rapport d’ONU Femmes de 2021 révèle que 58,1 % des femmes interrogées ont subi des violences en ligne et qu’une sur trois a vu ces attaques se prolonger dans la vie réelle.
“Ces violences ne sont pas que des mots sur un écran. Elles ont des conséquences psychologiques graves : anxiété, dépression, perte de confiance en soi et parfois suicide. Elles restreignent l’accès des femmes à des espaces essentiels pour apprendre, travailler ou s’engager socialement”, alerte Aatifa Timjerdine, présidente de l’ADFM.
Le Maroc dispose déjà d’un arsenal légal contre la violence numérique, avec le Code pénal, la loi 103-13 sur les violences faites aux femmes et la loi 05-20 sur la cybersécurité, ainsi que la ratification de conventions internationales telles que la Convention de Budapest et la CEDEF. Mais dans les faits, les lois restent insuffisantes. L’absence de définition claire de la “violence numérique”, les contradictions juridiques et les textes liberticides limitent l’accès à la justice et favorisent l’impunité.
Le faible taux de signalement aggrave le problème : 68 % à 77 % des victimes choisissent de ne pas porter plainte, par manque d’information ou de confiance dans les mécanismes existants. “L’espace numérique ne doit pas être une zone de non-droit. Chaque victime doit pouvoir dénoncer sans crainte de représailles”, insiste Ghizlane Mamouni, présidente de Kif Mama Kif Baba.
Pour répondre à cette crise, les trois associations appellent à un plan d’action multisectoriel. Elles recommandent de clarifier la définition des violences numériques dans le Code pénal, d’instaurer des sanctions dissuasives, d’abroger les textes liberticides et de documenter systématiquement l’ampleur et l’impact des violences. L’éducation numérique dès le plus jeune âge et la mise en place de mécanismes de recours sûrs et accessibles sont également au cœur de leurs recommandations.
Une campagne nationale, baptisée “Mamhkoumch”, sera lancée sur les réseaux sociaux du 2 au 10 octobre 2025 pour sensibiliser le grand public et mobiliser institutions et société civile. Comme le rappelle Abdelamjid Moundi, directeur de AMC : “Les violences basées sur le genre facilitées par la technologie révèlent une faille structurelle de notre société. Protéger les victimes et transformer les mentalités sont essentiels pour faire du numérique un espace de liberté et d’égalité.”